dernière lune
 

Insomnies chroniques

Dans le silence de la nuit les idées de l'insomniaque s'agitent...toujours...

sauter 

Pourquoi?

Et avant?

31.5.03

( 22:43 )

Les pieds sur terre

Je dois bien les avoir puisque quand je pense à la maison où je suis née, j'ai trois images qui montent immédiatement qui me parlent de sols.
D'abord le sol de la cuisine, il y a bien longtemps, avant la pose de ce tapis dans les années 70 (tapis fort laid dans mon souvenir, un espèce de chamoirés d'orange brûlé, de beige et de doré), mais juste avant, ce carrelage noir et blanc. Si ce souvenir est si vif dans ma mémoire c'est que j'ai dû d'abord m'y trainer à quatre pattes, puis y faire mes premiers pas. J'y ai certainement joué souvent, assise avec un livre ou des jouets. Je me rappelle les bouches d'aération sous les comptoirs où l'hiver sortait de l'air chaud. Le matin, au réveil, mon frère et moi nous y assoyions pour nous réchauffer, luttant avec nos pieds pour la chaleur, parfois en grignotant notre petit déjeûner.

Ensuite je me rappelle le sol de ma chambre. Celle que mon père avait préparée alors que nous attendions mon petit frère qui lui, prendrait ma chambre de bébé. J'étais une grande fille, je devais avoir trois ans et je revois mon père qui travaillait chaque soir à préparer, rénover, peindre et tapisser ma première chambre de grande fille. Mes parents avaient choisi un carrelage en linoléum coquille d'oeuf avec des nervures dorées. J'avais l'impression d'être une princesse. Et au mur il y avait un papier peint avec des ballerines roses. Ce qui est étrange c'est que je me souvient vivement m'être tenue sur le pas de la porte en observant silencieusement mon père qui travaillait pour me faire une si jolie chambre. Je me rappelle aussi avoir couru et couru et couru pour me jeter dans ses bras alors qu'il se tenait en plein centre de la pièce. Pourtant c'était une chambre minuscule, adolescente, je la traversais en trois ou quatre pas. C'est inconsistant avec ce souvenir d'y avoir couru vers mon père. Comme si les années avaient pu transformer l'antre d'une petite princesse en placard modeste.

Finalement, la pelouse. Dès que j'évoque cet endroit où j'ai vécu, me remonte cette sensation délicieuse de marcher pieds nus dans l'herbe et de voir du vert partout, des arbres aussi. Tout est vert dans mon souvenir. Il est vrai que l'on ne se permet pas de se laisser aller à profiter d'un jardin autant que dans le jardin de son enfance. Je me souviens de l'eau, des piscines, petites et grandes, des fleurs, du jardin où mes parents faisaient pousser des légumes. Des carottes et des petites fèves jaunes (haricots) que je squattais avec mon frère et mes amis tous les étés. Je me dis que la récolte n'a jamais dû être importante, vue la quantité que nous mangions en les cueillant directement. Je me rappelle des feux aussi que nous allumions les soirs d'été et que nous regardions brûler, parfois en y grillant des "marshmallow". Je sais, c'est tout simple et banal comme souvenirs mais ce sont les miens.

Il y en a bien d'autres, comme ce premier baiser échangé avec mon premier copain, un soir d'automne, derrière la maison, près du talus là, derrière. Il faisait plutôt froid ce soir là, je me rappelle que je tremblais ou que je grelottais mais que je me sentais en sécurité parce qu'il y avait de la lumière derrière les rideaux des fenêtres et que j'allais rentrer bien au chaud un peu plus tard, pour rêver des baisers qui viendraient.
# 95138627   L'insomniaque

( 14:53 )

Fragile équilibre

Je navigue entre la force et la vulnérabilité. L'impression d'affronter tous mes fantômes en même temps. je suis tantôt la fille énergique et confiante, tantôt la femme sereine et posée, d'autres fois la petite fille abandonnée.

Je traverse ça toute seule et la plupart du temps ça va, je n'ai pas envie qu'on me dise quoi faire, quoi penser, comment réagir, pas envie de subir cette pression-là en plus... À certains moments j'aurais envie qu'on m'épaule, qu'on me soutienne, qu'on soit là pour moi. Mais voilà, on n'est pas à ma disposition, c'est normal. Le truc c'est que je ne sais jamais quand les larmes vont monter soudainement, à quel moment précis je vais avoir besoin de forces. Je suis comme une tempête tropicale, complètement instable et imprévisible.

Vider des boîtes et des boîtes, certaines plus lourdes que d'autres. Trouver une place chez-moi à ces morceaux de vie éparpillés, les faire entrer dans mon propre casse-tête. Nettoyer, classer, choisir, refuser. Et cette maison là-bas qui se vide. Et ces souvenirs doux et tristes qui surgissent sans prévenir, qui bousculent mon ordre déjà fragile.

Je sais, la vie EST changement mais le changement ça fait peur parfois, non ? Et puis il y a le changement que l'on provoque et celui qu'on absorbe (j'allais écrire subit...), le deuxième demande moins d'énergie de départ mais la pente à gravir est plus raide. Ou alors, c'est moi qui manque de muscles.
# 95127820   L'insomniaque

30.5.03

( 23:37 )

Légère

Il y a des moments où je me sens vraiment bien, comme ce soir. Malgré tout ce que j'ai écrit avant. Grâce au fait que j'aie pu l'écrire justement. Les mots m'ont permis de me décharger de mes maux, en partie du moins.

Avant tout s'étouffait dans ma gorge, je portais toute cette honte, tous ces non-dits, j'apprends à les libérer doucement. C'est comme une soupape qui me permet de ne plus tout le temps tout porter. Même ici je m'obligeais à ne rien déranger mais je crois que j'ai compris maintenant : Une fois que les choses sont énoncées, une fois qu'on a osé et qu'on a cessé de cacher ses blessures comme des trésors qui nous triturent l'intérieur, une fois qu'on les a sorties et alignées sur l'écran, on peut enfin reculer un peu et les regarder. On peut même constater que la terre n'a pas tremblé, qu'aucun mur ne s'est écroulé sauf celui de sa propre honte et de son isolement. Et là on peut commencer à vivre.

Toute cette énergie à garder la tête haute, à ne vous laisser voir que la face illuminée de la lune. J'ai envie maintenant de consacrer cette énergie à aimer la vie et ce qu'elle m'offre. Oh, ça ne veut pas dire que je n'ai plus de souffrances et que je ne les écrirai plus, ça veut juste dire qu'elle monopolisent moins mon attention. Ainsi je peux prendre le temps d'aimer et de partager, de bouger et de rire, d'apprendre et d'avancer.

Voilà :-)
# 95107535   L'insomniaque

28.5.03

( 21:58 )

Qu'est-ce que j'aurais pu faire d'autre ?

C'était mon premier fils, celui que j'avais porté pendant 9 mois en flottant toujours légèrement au dessus du sol. Celui dont j'avais ressenti les premiers mouvements au fond de mon ventre comme des effleurements d'ailes de papillons. Celui qu'on avait forcé à naître parce qu'il était plus que temps et qui m'avait donné l'impression de mourir, la plus grande peur que j'aie jamais ressentie, la douleur la plus vive, cette inquiétude de ne pas savoir l'accompagner jusqu'à l'entrée de sa vie terrestre. Mais on avait réussi finalement.

Je me rappelle ce petit bonhomme qu'on m'avait apporté le lendemain et que j'avais failli ne pas reconnaître parce qu'il était blond et que moi je l'avais vu avec les cheveux humides et collés et surtout que je n'imaginais pas une seconde pouvoir donner naissance à un enfant blond... Je me rappelle notre apprivoisement, sa difficulté à téter mon sein et la mienne à trop insister. Et puis cette inquiétude, à peine revenus à la maison depuis quelques jours, quand il avait fallu le ramener dans cet hopital immense et froid, quand on avait décidé de le garder parce qu'on n'arrivait pas à trouver pourquoi il y avait des traces rosées dans ses minuscules couches. Et puis tous ces tubes, ces aiguilles qui faisaient sans cesse éclater ses petites veines, ces tests dans ces machines disproportionnées et glaciales. Lui qui ne voulait plus téter du tout, seul dans son petit lit de métal, moi qui me berçais tout à côté, n'osant pas le toucher de peur d'arracher encore ses solutés et qu'on doive le repiquer, encore. L'infirmière qui me disputait pour que je donne encore mon sein, que j'insiste, que je fasse un effort. Moi, épuisée, qui pleurait doucement cette impuissance à lui donner ce que j'aurais dû. Dix jours. Puis un verdict, ni tragique, ni rassurant, juste le début d'un long parcours médicalisé, l'inquiétude constante, la fragilisation, la culpabilité.

Mon premier fils, la chair de notre chair et toujours ces reproches, de trop l'aimer, de trop le couver, de ne pas savoir lui donner ce qu'il fallait. Pourtant j'ai essayé. je me suis fait violence, j'ai serré les dents, j'ai retenu mon souffle et tout le reste. ça n'a pas été assez. Toi seul savais ce dont il avait besoin, toi seul étais assez ferme, moi je ne faisais qu'annuler ce que tu accomplissais. Tu ne l'aimais pas, il bougeait et parlait trop, il pleurait souvent et il nous empêchait de dormir la nuit. Il prenait bien trop de notre temps, de notre attention, il coûtait trop cher.

J'ai questionné autour de moi, personne n'a voulu répondre, c'était trop personnel, on ne parle pas de ces choses là. Alors je me suis mise à marcher sur des oeufs, j'ai appris à l'aimer quand tu n'étais pas là et je t'ai laissé agir et décider quand tu y étais. Trop souvent j'ai vu son regard blessé qui m'implorait sans comprendre. Il aurait voulu que je le sauve, je ne savais pas comment. J'ai réussi à ne presque plus rien sentir, ni de moi ni de lui, je suis rentrée à l'intérieur, complètement et j"ai donné naissance à mon deuxième fils. Là encore il n'a pas compris pourquoi il devait prendre encore moins de place et j'ai espéré que ça passe, qu'il grandisse et qu'il comprenne.

Un jour je n'ai plus été capable. Physiquement plus capable, mentalement épuisée. Je suis partie sauver ma peau parce que je ne savais plus rien donner. Je lui ai offert de m'accompagner, il a refusé pour ne pas te laisser seul et il m'a détestée de vous avoir abandonnés. J'ai poursuivi mon chemin, je me suis redressée et lorsque j'ai regardé derrière j'ai réalisé que même loin de moi tu ne l'aimais pas. Et j'ai vu sa douleur et sa colère, je les ai recueillies.

Aujourd'hui tu le jettes, tu le renvoies chez moi, parce que de toute façon c'est ma faute s'il est ce qu'il est. Tu n'en veux définitivement plus et lui te hait du plus profond de son ventre, il te hait de ne pas l'aimer et moi je me hais de l'avoir abandonné. Je ne sais pas si cette fois j'arriverai à être à la hauteur, à être la maman qu'il aurait mérité, mais j'essaierai. Et sans cesse je me demanderai ce que j'aurais pu faire d'autre, comment j'aurais pu l'aimer mieux.

Toi cet été tu feras un jardin et tu amèneras ton seul vrai fils se promener. Pendant ce temps je réapprendrai à mon premier fils à aimer sa vie, celle que nous lui avons donné.
# 95016262   L'insomniaque

26.5.03

( 21:54 )

Je n'aime pas

Écrire ce genre de post. Pourtant il est monté très fort, tout seul. Mais là je doute, j'ai honte. Je me dis : Et si c'était moi qui n'avais rien compris ?
Il me semble honnêtement avoir essayé de comprendre, de tempérer et d'équilibrer. Mais je n'ai jamais pu accepter de n'avoir aucune voix au chapitre. Ma limite est là. Ai-je assez persévéré ? Suis-je responsable de cette triste déchirure ? Suis-je coupable de sabordage ayant entraîné le naufrage ? Mais qu'est-ce que c'est toutes ces questions ce soir ? Je suis certaine qu'entre nous il n'y a pas d'amour. Pour aimer il faut s'ouvrir et se rendre vulnérable, il faut donner certes, mais il faut aussi savoir recevoir. Cet aspect est très clair pour moi. Il aurait voulu que je reste à côté, jamais avec. Cétait impossible pour moi. Et c'est cette déchirure qui a causé ce lent naufrage. S'il n'y avait eu que nous il n'y aurait pas eu de blessés, juste deux embarcations qui auraient bifurqué. Mais voilà, il y avait nos fils.

Ce que je n'accepte pas c'est d'être liée à lui par eux alors que selon moi il n'en est pas digne. C'est douloureux d'écrire ces mots. J'aurais tant voulu que nous soyons deux phares pour guider leur route, nous sommes devenus deux écueils, deux sinistres rochers. Maintenant la marée monte et je voudrais tellement garder la tête hors de l'eau et les garder tout contre moi, les mener vers la terre ferme, leur donner une chance. Me donner à moi aussi une petite place au soleil. J'ai tellement besoin d'un peu de chaleur et de lumière.
# 94919471   L'insomniaque

( 21:14 )

Le silence qui doute

Il me demande toujours de ne pas parler et de l'écouter. Lui seul sait ce qui convient, ce qu'il faut dire ou faire. Il n'a jamais à se questionner, par définition il est dans la vérité. Et c'est ainsi depuis presque 20 ans. Dès que j'ouvre la bouche, que j'émets la moindre réserve, il fait les gros yeux. Et lorsque j'ose dire non, très fort, il me couvre de ridicule ou alors il me cajole, comme une enfant égarée.

Un jour je suis partie. Enfin, je l'ai bien crû. Mais il avait les armes ultimes pour me garder dans l'enclos, jamais très loin de lui. Il a usé et abusé de ce pouvoir et de ce lien que rien ne peut briser parce qu'il est scellé par le sang. Même là, pendant que j'écris, je doute et je tremble d'aller trop loin.

Que me faudra-t-il faire pour me libérer ? Parfois la réponse à cette question me fait peur, de par son absence ou de par sa violence.

Il faut bien lutter pour naître, ça je le conçois, ensuite pour survivre, ça fait partie des règles. Mais il me semble qu'un peu de paix et de simplicité me ferait grand bien. Juste cesser de me demander si c'est lui ou si c'est moi. Récupérer ma voix et suivre ma voie.

C'est trop demander ?
# 94918039   L'insomniaque

25.5.03

( 15:44 )

Trop

Y-a-t-il un moment où l'on peut crier stop ? Comment se rend-t-on compte qu'on en est là ? Faut-il absolument se rendre au bout de ses forces ? Comment peut-on déterminer si on est trop forte ou trop faible ? Qu'est-ce qu'on dit lorsque j'en ai marre n'est même pas le début du commencement de ce que l'on ressent ?

Courage.

Mais on achète ça où du courage ?
# 94868929   L'insomniaque