Insomnies chroniques

J'ai suspendu mes deux premières lessives sur ma corde à linge.
Rien de plus banal, je sais.
Mais j'aime ça.

Je veux trop.
Je parle trop.
Je pleure trop.
Je pense trop.
Je mange trop.
Je goûte trop.
Je me souviens trop.
Je ris trop.
Je désire trop.
Je critique trop.
J'accepte trop.
J'attends trop.
Je donne trop.
J'écoute trop.
J'absorbe trop.
J'aime trop.
J'essaie trop.
Je rêve trop.

J'en ai assez.

Bizarre comme je me sens toute perdue dans ce nouvel endroit. Je me sens un peu comme un animal qu'on aurait parachuté sur un nouveau territoire. Tout ce dont j'ai besoin est ici mais je me cherche encore, j'ai l'impression de tourner en rond. C'est peut-être normal.
Les bruits de ma ruelle me manquent.
Ça va passer.

Parce que c'est là-dedans que je suis. Vider une boîte, ensuite la démonter et la plier pour qu'elle aille rejoindre les autres dans la grande boîte en attendant le jour de la récupération et ainsi, peut-être avoir la chance de démarrer une autre vie de boîte ou d'autre chose... (Oui, enfin, est-ce que je sais moi, ce que devienne les boîtes une fois qu'on les amène dans le Grand Camion ? )... Bref, d'une boîte à l'autre, j'installe mon nouveau chez-moi, je vide, je place, je réfléchis ou j'imagine. Déménager est une expérience étrangement purifiante. C'est l'occasion de se défaire d'objets inutiles, d'en redécouvrir d'autres qu'on avait oublié au fond d'un placard et de tenter de tout agencer pour se créer un nouveau chez-soi. Et, presqu'imperceptiblement, ce sont de nouvelles énergies qui prennent forme et s'installent.
J'essaie toujours de m'imaginer la vie de qui a vécu dans mon chez-moi avant moi. Bien sûr, je connais très bien la personne qui habitait ici durant les cinq dernières années, mais j'essaie de remonter plus loin, d'autant plus que c'est un vieux logement que j'habite. Pas tant que ça quand-même, mais je dirais qu'il doit avoir autour de cinquante années d'existence. Alors je tente de visualiser comment on y a vécu autrefois, qui a fait aménager ces placards et ces garde-robes hyper spacieux et fonctionnels ? À qui c'était dédié et ce qu'on y a rangé ?. Sur ce crochet, peut-être y avait-il une série de cravates, suspendues proprement, prêtes à affronter le monde, matin après matin, inlassablement, jusqu'au jour où... Justement, jusqu'au jour où quoi ? Et dans cette petite chambre aux murs bleus, transformée en bureau et en salle de lessive (Il faut bien être fonctionnelle et joindre l'utile à l'agréable), y a-t-il eu jadis, un bébé, un petit enfant qui s'inventait des jeux en attendant de porter des cravates ? Et dans cette cuisine, qu'a-t-on cuisiné ? Qu'a-t-on célébré ? Qu'a-t-on pleuré ? Et dans cette chambre, a-t-on fait l'amour tendrement ? Ou s'y est-on endormi résignée, soir après soir ? Y est-on né? Y est-on mort ? Tellement d'histoires que ces murs pourraient me raconter.
Mais pour l'instant je tente d'y débuter la mienne, du moins ce petit bout de chemin que j'y ferai. Je sens que j'y serai bien, confortable en tout cas, assez bien pour cesser d'angoisser et juste vivre ma vie, celle qui m'appartient si je le veux bien. Et je place les brindilles, une à une, pour tapisser mon nid de douceur. Parce que bien sûr, ça sera un nid cette fois, pas un bunker. Je sens que je suis maintenant assez forte pour affronter le monde sans porte en acier, avec une vraie adresse, sur une vraie rue. Du moins je vais tout mettre en oeuvre, le reste suivra bien :-)

Après les boîtes du déménagement, ce sera la nouvelle boîte, et encore là je devrai construire mon nid. Pas évident de sauter de branche en branche comme je l'ai fait ces derniers temps. Mais cette fois je voudrais me poser un peu, lisser mes plumes et pourquoi pas, chanter. Pour ça aussi je vais bien m'appliquer.

Enfin pour ce soir je vais me reposer, après tout j'ai beaucoup bossé ce week-end et en prime j'ai attrapé quelque chose qui me fait tousser, moucher et éternuer, en plus de me sentir fiévreuse et d'avoir mal partout. Si je veux bien démarrer ma semaine il faut que je me dorlotte sérieusement :-)

Bonne nuit et à bientôt,