Journal d'une insomniaque 

Mercredi le 29 septembre 1999,

Un ami,

Il y a 39 ans aujourd'hui, mon ami  Yvon venait au monde dans un petit village de la Mauricie, de parents qui aimaient la vie, la route et les motocyclettes (les très grosses motos).  Le style de vie qu'aimaient ses parents ne convenant pas exactement à la vie de famille, Yvon se retrouva vite seul avec sa maman, petit garçon adorable, pas compliqué et parfaitement heureux (selon ce qu'on m'en a dit;)

Treize ou quatorze ans plus tard, il est débarqué avec sa maman chez le nouvel amoureux de cette dernière, dans mon petit village des basses Laurentides, à deux maisons de chez moi et nous sommes tout de suite devenus amis :)))  Pourquoi tout de suite?  Eh bien, difficile à expliquer mais Yvon avait quelque chose au fond des yeux, un respect et une curiosité de l'humain, une absence totale de jugement gratuit, bref, nous nous sommes reconnus tout de suite :)

Je vous raconte notre première rencontre?  Eh bien, gênant pour moi mais représentatif de qui il était:   J'avais treize ans et comme bien des adolescentes de cet âge, je n'étais pas très bien dans ma peau.  Je revenais d'un séjour de quinze jours dans un camp de vacances et j'étais empressée de retrouver les copains et de leur raconter tout ça...   J'arrive donc chez mon amie Lucie et nous sommes très contentes de nous revoir.   Soudain elle me dit, toute excitée, "Tu sais quoi?  Un nouveau gars a emménagé dans l'ancienne maison de ... et il s'appelle Yvon, il est beau, il est drôle et super gentil :)))  De plus, je lui ai parlé de toi et il a très hâte de te rencontrer!!!"  "Moi? que je réponds, mais pourquoi? "  Elle n'a pas le temps de répondre que, regardant au loin, elle s'écrie: " Le voilà! " Et elle crie: "Yvon! viens rencontrer Lou!  Dépêche toi! Elle est ici!!!"....

Là, je ne sais pas pourquoi mais, la peur et la gêne s'emparent de moi , et, je prends soudainement mes jambes à mon cou.  Sans que je ne comprenne trop pourquoi, Yvon se lance à ma poursuite.  Je tente de lui échapper mais il m'attrape bien vite...  Je me jette par terre(ne me demandez surtout pas pourquoi..;) et je tente de me cacher, face contre terre(jusqu'à aujourd'hui je me demande encore de quoi je pouvais bien avoir peur..) Il réussit à me retourner, me regarde en souriant, et me dit, avec un petit accent de la campagne,:   "Bonjour:) qu'est-ce que tu as?  De quoi tu te sauves?"   Incapable de répondre quoi que ce soit de plausible, je pouffe de rire et je lui dit: " De toi!" Il me demande alors: "Mais pourquoi?..." Et je réponds: "Sais pas..;) "  Tout ceci pendant qu'il me retient par terre par les épaules, pratiquement à genou sur moi...;)  Vous imaginez la scène?   Soudainement, nous nous regardons vraiment dans les yeux, et nous éclatons d'un grand rire complice, conscients tous les deux du ridicule de notre position et de la situation:))))  C'est à ce moment précis que nous sommes devenus amis.

C'était un garçon calme, toujours prêt à discuter, à rigoler ou à partir à l'aventure:)  Il jouissait d'une assez bonne popularité auprès des filles(très mignon et gentil) mais ne semblait pas s'en formaliser outre mesure...  Il a bien eu "quelques blondes", mais, jamais rien de bien sérieux ou de bien long.  De mon côté, bizarrement, il ne m'a jamais attirée "amoureusement" (et moi non plus d'ailleurs je crois).   C'est sans doute la raison pour laquelle nous sommes devenus de si grands amis :))))

Au printemps 1980, j'avais 18 ans et lui 19 ans, nous sommes chacun devenus propriétaires de notre "première" voiture neuve.  Lui, qui travaillait depuis un bon bout comme magasinier dans une entreprise en aérospatial, réalisait alors un rêve de longue date.   Il avait accumulé son argent afin de s'offrir une magnifique Z-28 couleur or, tout juste sortie de la chaine de montage.  Elle était très belle et il en était si fier :)) De mon côté, j'étais encore étudiante et pour voyager à Montréal, mes parent m'avaient offert(oui,  oui, je sais, ça a l'air terrible...) une petite Monza bleu ciel, très jolie mais beaucoup plus modeste que la voiture d'Yvon...

Cet été là, nous nous en sommes donné à coeur joie, vraiment :)  Yvon et moi étions les deux seuls parmi les copains à disposer de "roues" et nous avons transporté tout le monde, tous les soirs(ou presque) dans les bars, les discothèques, bref, partout où l'on pouvait danser et s'éclater.  Après la soirée (les bars ferment à 3:00hrs par ici) nous nous retrouvions, soit au resto, ou encore chez l'un d'entre nous pour discuter et rigoler jusqu'à l'aube:))) Je me rappelle Yvon, Carole et moi, dans le sous-sol chez moi, à parler, parler, parler, jusqu'à ce que je réalise que mon père devait se lever pour aller travailler dans quelques minutes et là, je les faisais sortir silencieusement et à regret car j'avais trop peur de ce que mon père dirait s'il trouvait mes amis ainsi chez lui à l'aube(avec le recul, je réalise que ce n'aurait pas été si grave, mais à cette époque, pas évident pour moi..) 

Nous avons passé un été merveilleux.  Demain je vous raconterai notre automne cette année là, le moment précis où nous avons tous, brusquement, glissé dans l'âge adulte...  Pour l'instant, au dodo, prenez bien soin de vous, et, à très bientôt,

                                                                                                L'insomniaque :)